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Pensées autour du monde de l'entreprise et de son Système d'Information

Autant en emporte la vente – le métier de commercial

22 Août 2014 , Rédigé par Jean Pierre COQUE Publié dans #Commerce

Autant en emporte la vente – le métier de commercial

Cet article est tiré d’une BD qui n’est pas dénuée d’un certain intérêt (je vous la recommande) car elle trace les caractères des différents services de l’entreprise au travers de philosophes célèbres … en voilà en tout cas un extrait qui a retenu mon attention … je vous laisse choisir le degré de lecture ...

[…]

L’artisan peut définir facilement son métier : fabriquer des tables de nuit, par exemple, ou des baguettes de pain. Il lui est aisé d’expliquer à autrui en quoi consiste son travail. Pour savoir ce qu’il vaut, il lui suffit de regarder l’objet produit. La reconnaissance qu’il obtiendra est médiatisée par l’existence de l’objet qu’il fabrique et soumet au regard d’autrui. Si l’objet est apprécié, et surtout acheté, c’est la valeur de l’artisan qui est reconnue. Bref, l’artisan a un « métier ».

Les cadres en entreprise n’ont pas cette chance. Ils travaillent avec les autres, intermédiaires parmi les intermédiaires, pris dans une succession d’occupations au sein desquelles il est très difficile de repérer le rôle de chacun. Ils contribuent à un résultat global et, dans une très grande majorité des cas, aucun objet précis ne vient matérialiser le travail des uns ou le talent des autres. Difficile pour eux de savoir quelle est leur œuvre. Expliquer à quelqu’un d’extérieur en quoi consiste leur travail relève le plus souvent de la gageure, et peut donner lieu à des scènes comiques. Il en résulte des troubles divers : mélancolie, sentiment de n’être pas reconnu, interrogation sur le sens même de son travail, démotivation.

Les commerciaux échappent à ce triste sort. Leur œuvre, c’est leur chiffre d’affaires. Chaque commercial fait son chiffre, qui donne à la fin du mois la mesure objective de son talent et de sa pugnacité. Le métier du commercial est clair, et n’importe qui peut le comprendre : vendre. Le commercial sait pourquoi il se bat ; il ne se trompe pas de guerre.

L’âpre compétition entre Voltaire et Rousseau n’a donc rien de surprenant. Chaque fois qu’un commercial perd une affaire, c’est un peu de sa valeur qui s’effrite. Finalement, leur dispute les honore. Aucun des deux ne lâche l’affaire, comme hier lorsque, malgré tous leurs différends, ils se battaient ensemble pour le triomphe des Lumières sur l’obscurantisme, pour le triomphe de la Raison sur tous les fanatismes. Ils n’ont pas changé, au fond, et là est leur grandeur. Ils ont réussi à devenir salariés d’une entreprise en restant fidèles à eux-mêmes, et notamment à cet esprit du XVIIIème siècle qu’ils incarnent si bien – l’esprit de la querelle éclairée. Nous pouvons être en désaccord, et même en désaccord radical, mais c’est parce que nous sommes d’accord sur l’essentiel : ce désaccord a le droit de s’exprimer, et il doit être dans le langage de la raison. C’est le sens du mot célèbre de Voltaire, qu’il n’a d’ailleurs probablement jamais prononcé : « Je me battrai jusqu’à ma mort pour mes idées, mais je suis prêt à mettre ma vie en jeu pour que vous puissiez exprimer les vôtres. » Voltaire, Rousseau, D’Alambert ou Diderot se sont disputés sur à peu près tout – l’esclavage ou le luxe, la Providence ou le rôle des arts, la conception de l’état ou de la nature humaine … Mais c’était comme si chaque différend avait pour effet de renforcer l’accord plus profond qu’il présupposait ; l’accord sur le pouvoir sans limite de la Raison.

C’est précisément cela qui rend Nietzsche fou de rage : pour lui, la Raison est une idole comme les autres. Elle ne vaut pas mieux que Dieu ou l’Histoire. Il y a un fanatisme de la raison comme il y en a de la foi. […]

PLATON LAGAFFE – survivre au travail avec les philosophes (Charles PEPIN) aux Editions DARGAUD.

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